le drapeau de la Moldavie



 le drapeau de la Moldavie (2006)


En Moldavie comme en Valachie la Révolution de 1848 s’est traduite par l’adoption d’un drapeau tricolore où le bleu signifiait le ciel et la Liberté, le jaune d’or la prospérité (champs de blé), l’égalité ou la justice, et le rouge (sang) la fraternité. Mais cette révolution a échoué et ce n’est qu’en 1990 que la Moldavie déclara son indépendance avec ces couleurs.







À propos du bleu

Le bleu est une couleur lourde.

Le bleu réagit de manière très différente avec dans ou sur le blanc et le noir. Associé au premier, il transcende et associé au second, il sombre.

Le bleu est la couleur du périple dans le temps qui s’épanouit.

Le bleu n’est pas une couleur chaude.

C’est comme des paupières fermées et des lèvres inertes, d’une femme, mais que tu sais déjà à l’avance dont tu ne pourras plus jamais oublier la splendeur et la sérénité.

Le bleu est la couleur du désir limitrophe du tactile.

le bleu est la couleur de la torture sur la peau.

Le bleu est la couleur du conflit entre le poids du passé inconnu et la peur de l’oubli.

C’est comme la couleur des yeux d’un homme sobre impénétrable à priori et que tu sais déjà à l’avance que tu ne pourras jamais lire des histoires dans son regard.

Le bleu est la couleur de la vénération.

Le bleu est une science du réel celle de l’objectivité intouchable, dans l’actualité.

C’est la couleur de l’immobilité et de l’évasion dans la contemplation et de l’expérience du corps tiré à l’apathie inexpressive.

Le bleu est la couleur d’aucun fruit de la terre mais celui de plusieurs fruits de la mer.

Le bleu est la couleur de l’étincelle avant l’explosion.

Le bleu est la couleur de la neutralité, celle de l’amante aveuglée par sa passion charnelle.

Ce n’est pas la couleur de la neutralité, celle de l’amie enfermée dans sa tendresse malsaine.

Le bleu est la couleur de la maladie celle de l’indigestion mais non pas celle, inexistante de la faim.

Le bleu est la couleur du droit non proclamé au rêve, un rêve façonné par ces plus profondes blessures.

Le bleu est la couleur de l’effroi devant la présence éblouissante de la mort.

Le bleu est la couleur des bancs et des tables dans un cimetière Gagaouze de Moldavie.

Le bleu est la couleur du délire debout sur une tombe d’un être cher, à la fête des morts. Un être avec qui l’on partage encore un défaut d’origine qu’on est encore incapable d’assumer.

Le bleu est la couleur de la chanson populaire.

Le bleu est la couleur des formes transformées par l’âme en de nouveaux corps ceux de l’hymne. La raison de leur transformation est cette chanson tissée par les dieux sans interruption depuis le commencement des temps jusqu’à ma naissance.

Le bleu est la couleur de la voix des sirènes.

Le bleu est la couleur de la métamorphose dans les poèmes d’Ovide.

Le bleu est la couleur de la dimension de la mer et du vent qui tourmente les drapeaux de toutes les nations.

Le bleu est la couleur du drapeau de l’exil comme ligne de rencontre entre la plaine et le ciel.

Le bleu est l’otage du monde muet.

C’est la couleur de la réflexion, un instinct humain, un puit où l’on boit à la source de l’esprit libre.

Le bleu parle la langue turque, celle d’Éfrosini, des Gagaouzes, des pluies printanières, d’Ibn El Roumi, et de l’éternité dont le sens n’est rien qu’apparence ; une apparence qui fait sens et donne au sens une richesse infinie.

Le bleu est la couleur du «Corniche» après la fuite du soleil vers l’Ouest.

Le bleu est la couleur de la pureté virginale de l’image liée originellement à l’étrangeté et au poids sans forme, de l’être présent dans l’absence.

Le bleu est la couleur de mon cahier de notes.

Le bleu est la couleur du rapport de l’apparent à la vision, de la clarté de jour à la vision, et de la clarté du jour à la météo. Quelque chose de la vision devient presque visible dès l’apparence du corps en chairs et en os. Cette vision se fait dans la nuit ; elle est celle de notre disparition.

Le bleu est la couleur lourde celle des plumes d’une proie inerte.







À propos du jaune

Le jaune est une couleur délicate.

Le jaune réagit de manière très différente à côté de, dans ou sur une autre couleur.

Le jaune est une couleur à température froide associé au bleu – Fuji, ou chaude associé au rouge – Kodak.

Le jaune n’est pas une couleur tiède.


C’est comme le flirt d’une femme rayonnante par son sourire, mais que tu sais déjà à l’avance que tu ne répondras point à l’appel de sa beauté.

Le jaune est la couleur de la séparation et des adieux.

Le jaune est une règle pour mesurer la juste distance entre le regard et la réalité.

Le jaune est la couleur du précieux.

Le jaune tend à couvrir affectivement le sens alors qu’il peut découvrir minutieusement l’essence.

Le jaune est la couleur de la mémoire – un lien entre le conscient et le passé, un passage, une ligne droite, oblique et non pas une surface, un signe, une étoile filante et non pas une masse, un bosquet de rêves et d’avenir.

Le jaune est la couleur de la rage, étincelles de cris contre l’injustice avec une douleur révoltée.

Le jaune n’est pas la couleur de la rage, une maladie vénérienne engloutissant l’homme dans sa peur de l’autre.

Le jaune est la couleur de la flamme d’une bougie.

Le jaune est la couleur du silence celui de la foi, un point de rencontre entre l’âme, le corps et l’esprit.

Le jaune n’est pas la couleur du silence, celui de la propagande, le fleuve des mensonges noyant l’être dans son ignorance et son hésitation.

C’est la couleur du songe, celui d’une Russe de la Moldavie, au bord du fleuve Dniestr.

Le jaune est la couleur du pêché originel, de la pomme au paradis, et de la honte face à dieu.

Le jaune est la couleur de la jalousie dans les films de Visconti.

Le jaune est la couleur d’aucun drapeau national mais celui de l’épidémie sur un navire condamné.

Le jaune est la couleur des étoiles sur le drapeau de la Chine.

C’est la couleur de l’étoile sur les bras des déportés juifs dans les camps de la mort.

Le jaune parle le russe, langue de Lilian, de la ville de Chisinau, de Pouchkine, de Lénine et de la mafia.

Le jaune est la couleur des traces laissées par l’expérience nomade et ses adeptes dans le sanctuaire urbain.

Le jaune est la couleur de l’embryon dans l’œuf.

Le jaune est la couleur de mon équipe de football préférée AEK, au sommet du classement du championnat grec, pour un moment.

Le jaune est le miroir de la lumière du jour, lumière subliminale, partenaire de la matière chimique du film, comme rapport, celui du stylo au papier, de l’écriture à la poésie, des photons à l’obscurité, des lumières de la ville à la nuit, de la photo au graphisme.

Le jaune est la couleur de la répétition et de la solitude du geste.

Le jaune est la couleur délicate de la tulipe celle d’une offrande en suspens.







À propos du rouge

Le rouge est une couleur vive.

Le rouge réagit de manière très différente à coté, dans ou sur du vert ; associé au vers clair il espère, associé au vert sombre il se révolte.

C’est comme la couleur des ongles d’une femme flamboyante par son regard, mais que tu sais déjà à l’avance dont tu ne pourras échapper aux griffes de cette tentation.

Le rouge n’est pas une couleur froide.

Le rouge est la couleur de l’affrontement, entre le présent et l’actuel.

Le rouge est la couleur de l’abnégation et du don incomplet.

C’est la couleur de la ligne de démarcation dans une zone en guerre .

Le rouge est la couleur de la parole, un feu brûlant les raisons et éduquant les effets.

Le rouge est la couleur de l’appartenance celle qui revendique la non appartenance.

Le rouge est la couleur de l’histoire du « trafficking », d’abord celle des clients.

Le rouge est une tache de sang, sur les draps dans une chambre du « Sports Hôtel » de Constantinople.

Le rouge n’est pas la couleur de la douleur, celle de la prostitution de l’âme.

Le rouge est la couleur de la disgrâce derrière les remords du père devant sa fille.

Le rouge n’est pas la couleur de la disgrâce celle dénudée par la honte.

Le rouge c’est le battement des paupières en plein soleil entre deux images entre deux visions.

Le rouge remplace la parole et condamne l’être au mutisme devant la violence des mots.

C’est la couleur de la vengeance dans les tragédies de Sophocle.

Le rouge est la couleur du drapeau soviétique sans le marteau et la faucille, sans la force humaine.

Le rouge est la couleur de la cravate des républicains aux Etats Unis d’Amériques.

Le rouge est la couleur du visage du fleuve à sa rencontre avec le dieu Apollon, un jour de pluie.

Le rouge parle le roumain, la langue de Rodika, de l’Histoire, du nectar de vin, d’Eminescu, d’Eliade, des anges déchus dont la déchéance arrose la terre.

Le rouge est la couleur qui provoque l’inattendu dans l’attente où l’on découvre l’infime dans sa totalité.

Le rouge est la couleur de retour et des retrouvailles.

Le rouge est la couleur de la croix posée par les ingénieurs sur les murs des habitats à sacrifier après le séisme d’Athènes.

C’est la couleur de la richesse et de la justesse.

Le rouge est la couleur de l’utopie, celle d’un peuple d’agriculteurs, portant les yeux au-delà de l’infamie, devinant un autre monde possible. Un monde où la solennité cessera de croire qu’elle est une vertu et personne ne prendra au sérieux un individu incapable de rire de lui-même ; un monde où la perfection restera l’ennuyeux privilège des dieux, mais dans ce monde mensonger et foutu chaque nuit sera vécue comme si elle était la dernière et chaque jour comme s’il était le premier.

Le rouge est la couleur des roses que les Roumains de Moldavie ont jeté dans le fleuve Prut en signe d’union ou d’indépendance !

Le rouge est la couleur de la rose celle d’une essence flottante en expansion.