مسارح الرضوح والجروح


intersections - التقاطعات

Beirut, Lebanon.



Lebanon, a crossroads of 18 religious denominations and endless layers of trauma!


Le Liban, carrefour de 18 confessions religieuses et d'innombrables traumatismes !






السياج والنيون - la palissade et le néon - palisade & neon

Jounieh, Lebanon.



Visible, et pourtant non pas vue en raison de cette visibilité.


Visible, but not seen on account of this visibility.






le linceul bleu – blue shroud – كفن الزرقاء

Beit Mery, Lebanon.



In 2000, the church in the village where I grew up had expanded its buildings and was about to inaugurate a brand new reception hall. But when I saw this blue veil on it's entrance I could only recall the last moments of resistance of two of my old school mates that had volunteered in the regular Lebanese army at the age of 16 and remember what happened to them on that same spot, as soon as the Syrian army invaded the rest of Lebanon in 1990. Near the bombarded church, Joseph exploded himself in a syrian tank, and Samir was arrested and tortured till insanity ...


En 2000, l'église du village où j'ai grandi avait étendu ses locaux et était sur ​​le point d'inaugurer une toute nouvelle salle de réception . Mais quand j'ai vu ce voile bleu devant son entrée, je ne pouvais que me rappeler les derniers moments de la résistance de deux de mes anciens camarades de classe qui se sont portés volontaires dans l'armée libanaise régulière à l'âge de 16 et de se souvenir de ce qui leur est arrivé sur ce même lieu, dès que l'armée syrienne envahi le reste du Liban en 1990. Près de l'église bombardée, Joseph s'est fait exploser dans un tank syrien, et Samir fut arrêté et fut torturé jusqu'à la folie ...







border - frontière - حدود

Yaroun, Lebanon.



Je regarde un petit jardin improvisé par l'abandon, la limite de l'espace récréatif de cette école fermée depuis longtemps. 
Je regarde la frontière d'un pays, le Liban.
Je regarde les collines de la Palestine, occupée depuis 1948. 
Je regarde le tracé de l'expulsion forcée de milliers d'hommes et de femmes. 
Je regarde les décennies de barbarie imposées à tous ceux qui sont restés sous la botte des envahisseurs. 
Je regarde les invasions du Liban en 1978, 1982, 1993, 1996, 2006, et 2024, et je vois Yaroun aujourd'hui rayé par la sauvagerie d'une armée étrangère barbare, pour rester gravé dans mon cœur et dans les ouïes de tous ceux qui veulent entendre les cris des déchus et les chuchotements de son peuple expirant sous les ruines....  
Je pense à Roni, Maysa, Mahmoud, Um Michel et à tous ceux que j'ai chéris dans ce petit village frontalier, et je leur demande pardon de ne pas avoir pu lever les yeux au ciel pour voir leurs âmes résistantes veiller sur leur terre !
Je regarde à nouveau et je ne vois aucune frontière, mais la continuité du paysage !


I'm looking at a small garden improvised by abandonment, the boundary of the recreational space of this long-closed school. 
I look at the border of a country, Lebanon.
I look at the hills of Palestine, occupied since 1948. 
I look at the forced expulsion of thousands of men and women. 
I look at the decades of barbarism imposed on all those who remained under the boot of the colonizers. 
I look at the invasions of Lebanon in 1978, 1982, 1993, 1996, 2006, and 2024, and I see Yaroun today wiped out by the savagery of a foreign barbaric army, to remain engraved in my heart and in the ears of all those who want to hear the cries of the fallen and the whispers of its people exhaling their last breaths under the ruins....  
I think of Roni, Maysa, Mahmoud, Um Michel and all those I cherished in that little border village, and I ask their forgiveness for not having been able to raise my eyes to heaven to see their resilient souls looking over their land!
I look again and see no border, but the continuity of the landscape!








blood stream - تيار الدم - ruisseau sanguin

Aanaya, Mount Lebanon.



On the wall of Saint Maroun monastery, every autumn nature tells the story of the blood that has been spilt on these mountains for centuries and centuries!


Sur un mur du monastère de saint Maroun, chaque automne, la nature raconte l'histoire du sang versé sur ces montagnes depuis des siècles et des siècles !






معاملتين - Maameltein

Jounieh, Lebanon.








جاد - Jad



A devoted gardener, a sharp journalist, a witty philosopher, an innovative poet, a great host, a devoted friend, the father of my dearest Rouba and an inspiring writer... 
Here a generous moment with him, in his beloved Seraal, when the lemons were still green and "The Myrtile Tree" was in the writing. 

Extract from a letter written to Jad when the book came out:

dear jad,

Seven months passed by like an afternoon nap...

I finished reading your new novel few days ago...
I think it came in a moment that I can appreciate it in a special way,
beeing a young father and having to answer many questions in my work
about "memory" and "dreams".

It didn't bring me back any nostalgic memories of my childhood in
lebanon but imerssed me in this careful and sincere descriptions of
these little daily moments that compose our common and true memory.
For some time now, i'm struggeling with a mountain of material
gathered on a 9 years period in athens through my everyday life. i
beleive more than ever that only by the same way you embraced your
characters and their life that we begin to embrace a space and it's
history neither for what it should be, nor for what we want it to be
but for what it is, even as it eludes us.

What is seized by your pen is just a presence and nothing else. 
What matters is not to describe adam's memory of a civil war but to
experience with him the immersion, in the present and the past, of a
personal rural space and dream, to also outline a narrative net
between his memory and us, and to finally surrender to the challenge
of participating in what we discover to be the living memory of
lebanon.

The powers of remembrance are a link between conscience and the past,
a crossing, a way and not a surface, a sign, a spark, and not a mass.
it seems to me that the mountain had a srange effect on your writting
too. you seem serene and solid like it's rocks as an inner
reflection of what i remember of this land.

In a strange way, even if it's written in english, i feel somehow that
this novel belongs to a secular tradition of lebaneese writers. maroun
aaboud came to my mind several times may be because he was one of the
first writers i ever read during my childhood, the book was yellow, or
because i was several times with nabil on the set of a tvfilm about
his life shot in a village that evoked in many ways wahdeh...the color
yellow of came to my mind many times while reading the novel, like
glimpses, as if it was the color of memory.

thank you also for the emotions that came along with the reading of
some particular situations of both humor and sorrow, where i recognize
jad behind the words.



Un jardinier dévoué, un journaliste incisif, un philosophe plein d'esprit, un poète novateur, un hôte formidable, un ami dévoué, le père de ma très chère Rouba et un écrivain inspirant... 
Voici un moment précieux avec lui, dans son Seraal bien-aimé, lorsque les citrons étaient encore verts et que "The Myrtile Tree" était en cours d'écriture.

Extrait d'une lettre écrite à Jad à la parution du livre : 

Cher Jad,

Sept mois se sont écoulés comme une sieste d'après-midi... J'ai fini de lire ton nouveau roman il y a quelques jours... Je pense que je l'ai lu à un moment où je pouvais l'apprécier d'une manière particulière, étant jeune père et devant répondre à de nombreuses questions dans mon travail sur la « mémoire » et les « rêves ».

Cela ne m'a pas rappelé de souvenirs regrettables de mon enfance au Liban, mais m'a plongé dans ces descriptions minutieuses et sincères de ces petits moments quotidiens qui composent notre mémoire commune et véridique.

Depuis quelque temps, je me débats avec une montagne de documents rassemblés au cours de mes neuf années passées à Athènes, dans le cadre de ma vie quotidienne. Je crois plus que jamais que c'est seulement en embrassant vos caractères et leur vie que nous commençons à appréhender un espace et son histoire, non pas pour ce qu'il devrait être, ni pour ce que nous voulons qu'il soit, mais pour ce qu'il est, même s'il nous échappe.

Ce que ta plume saisit n'est qu'une présence, rien d'autre. Ce qui importe, ce n'est pas de décrire le souvenir qu'Adam a d'une guerre civile, mais de vivre avec lui cette immersion, dans le présent et le passé, d'un espace rural et d'un rêve personnels, d'esquisser également un cordon narratif entre sa mémoire et nous, et enfin de se laisser aller au défi de participer à ce que nous découvrons être la mémoire vivante du Liban.

Les pouvoirs du souvenir font le lien entre la conscience et le passé, un croisement, un chemin et non une surface, un signe, une étincelle, et non une masse. Il me semble que la vie en montagne a également eu un effet étrange sur ton écriture. Tu sembles serein et plus solide, comme ses rochers, reflétant en toi ce dont je me souviens de cette terre.

D'une manière curieuse, même s'il est écrit en anglais, j'ai le sentiment que ce roman s'inscrit dans la tradition séculaire des écrivains libanais. Maroun Aaboud m'est venu à l'esprit à plusieurs reprises, peut-être parce qu'il a été l'un des premiers écrivains que j'ai lus pendant mon enfance, parce que le livre était jaune, ou parce que j'ai accompagné Nabil à plusieurs reprises sur le tournage d'un téléfilm sur sa biographie, tourné dans un village qui évoquait à bien des égards Wahdeh...
La couleur jaune m'est venue à l'esprit à plusieurs reprises pendant ma lecture, comme par intermittence, comme si c'était la couleur de la mémoire.

Merci également pour les émotions que j'ai ressenties en lisant
certaines situations particulières, tantôt drôles, tantôt tristes, où je reconnais Jad derrière les mots.






شركة الكهرباء - Electricity Company - Compagnie d'électricité

Beirut, Lebanon. 



J'ai toujours voulu découvrir à quoi ressemble un des plus célèbres récurrents cauchemars de la vie quotidienne des libanais, depuis au moins trois décennies: les bureaux centraux de la "Compagnie d'électricité du Liban"!


I always wanted to see what it looks like one of the most famous recurring nightmares of the Lebanese daily life, for at least the last three decades: the head offices of the "Electricity Company of Lebanon!"




...after the August 2020 explosion!


...après l'explosion d'août 2020 !






Tel al-Zaatar - تل الزعتر



I was too young to remember the Tel al-Zaatar massacre. The sunny hill overviewing Beirut feels like a calm and serein neighbourhood.


J'étais trop jeune pour me rappeler du massacre de Tel al-Zaatar. Aujourd'hui, la colline ensoleillée surplombant Beyrouth semble etre un quartier calme et serein.






collage - الفن التلصيقي

Beirut, Lebanon.



Nous avons pansé nos plaies à la hâte, mais nous n'avons pas su soigner nos traumatismes, et le pardon est resté une question sans réponse !


We licked our wounds in haste, but we failed to heal our traumas, and forgiveness remained an unanswered question!






Wissam - ويسام

Beirut, Lebanon.




turquoise pajamas

Athens, Greece.



Je me souviens du confinement et je vois dans cette expression sur le visage de ce garçon une similitude congelée et une étrange familiarité. Toutes les fois je visitais une tante, ma grand mère ou quelqu'un qui habitait Beyrouth durant la guerre civile, le seul accès à l'espace publique était permis uniquement par une fenêtre ou un balcon. Etant un résident de sa banlieue, je n'ai aucun souvenir de balades dans un de ses parcs, ou une de ses places ni même une de ses ruelles minuscules. Il a fallu retourner en exilé, adulte, réclamer ce dont l'enfance ne peux plus avoir. Dans les rues d'Athènes aujourd'hui, ce sentiment de déjà-vu ne cesse de me hanter.


I remember the confinement and I see in this expression on the face of this boy a frozen similarity and a strange familiarity. Every time I visited an aunt, grandmother or someone else who resided in Beirut during civil war, the only access to public space was only allowed through a window or a balcony. As a resident of its suburbs, I have no memory what so ever of walking in one of its parks or squares or even one of its tiny alleys. I had to come back as an exiled, as adult, to reclaim what childhood could not have anymore. In the streets of Athens today this feeling of a déjà-vu keeps haunting me.







Roy - روي

Larnaca, Cyprus.



Roy brought me back to Larnaca in 2015, on his movie scouting trip, almost 33 years after I spent there my summer vacation, extended for six months, due to raging civil war in Lebanon in 1983. That episode was called "the Mountain Battle" (ma‘rakat al-jabal). It refers to the period in the Mountain War which extends from the precipitous Israeli withdrawal (end of August 1983) to the end of the siege of Deir al-Qamar (December 15, 1983). The peak of the Mountain War, it is characterised by a series of massacres of civilians and vicious fighting between Christian militiamen of the Lebanese Forces and Druze militiamen of the PSP (aided by the Syrian and Palestinian forces dissident in the Fath of Yasser Arafat).

Back then, at the Saint Joseph school of Larnaca, the ten year old child I was, experienced for the first time, at the back of a poorly lit auditorium, leaning on a grand piano, a flow of tears, dripping in silence, without any bodily pain, when a classmate, a survivor of this battle,  began to tale horrifying scenes of what he had witnessed earlier that summer in his own village!


Roy m'a ramené à Larnaca en 2015, lors de son voyage de repérage pour son film, près de 33 ans après que j'y ai passé mes vacances d'été, prolongées pendant six mois, en raison de la guerre civil qui faisait rage au Liban en 1983. Cet épisode de la guerre s'appelait "la bataille de la montagne" (ma'rakat al-jabal). Elle désigne la période, dans la guerre de la Montagne, qui s’étend du retrait israélien précipité (fin août 1983) jusqu'à la fin du siège de Deir al-Qamar (15 décembre 1983). Apogée de la guerre de la Montagne, elle se caractérise par une série de massacres de civils et de vicieux combats entre miliciens chrétiens des Forces libanaises et miliciens druzes du PSP (aidés des forces syriennes et palestiniennes dissidentes au Fath de Yasser Arafat).

À l'époque, à l'école Saint Joseph de Larnaca, l'enfant de dix ans que j'étais, a connu pour la première fois, à l'arrière d'une salle d'auditorium mal éclairée, accoudés sur un piano à queue, un flux de larmes, dégoulinant dans le silence, sans aucune douleur physique, quand un camarade de classe, un survivant de cette bataille, se mit à lui raconter les terrifiantes scènes de ce qu'il avait témoigné, plus tôt cet été dans son propre village!